Nîmes: Deux décennies d’apprentissage et leçons pour le plus grand tournoi en salle d’Europe

Au cours de deux décennies, le tournoi international en salle de Nîmes s’est imposé comme l’un des événements phares du tir à l’arc.

Plus de 1150 personnes en provenance de 41 pays et des cinq continents ont participé à sa 22e édition qui s’est tenue en janvier 2020.

Cette ville historique du sud de la France accueille chaque année depuis 1997 un événement de tir à l’arc de niveau international. En 2003 et 2014, le tournoi de Nîmes a été supplanté par l’organisation Championnats du Monde de tir à l’arc en salle, et une saison sur deux par une compétition une compétition ouverte à tous.

L’un des événements fondateurs de la Coupe du Monde de tir à l’arc en salle (aujourd’hui appelée Indoor Archery World Series) ce n’est pas un hasard si Nîmes a atteint son niveau actuel.

La ville elle-même, qui compte environ 150 000 personnes, est connue pour ses monuments romains remarquables, dont un amphithéâtre construit vers 70 après J.-C.

Mais pour les archers, Nîmes est connue comme le test ultime du tir à l’arc en salle en Europe.

Et c’est grâce à Olivier Grillat, qui a conduit le projet dans les années 1990 et qui reste à la tête du tournoi aujourd’hui, que le tournoi de Nîmes est devenu un point fort du calendrier des compétitions, ainsi qu’un événement économique important pour la ville qui l’accueille.

L’objectif

L’objectif initial de l’Arc Club de Nîmes était de faire du tir à l’arc l’un des sports majeurs - et populaires - de la ville, derrière les bien établis football, handball et rugby.

“La création d’un tournoi d’envergure mondiale faisait et fait partie d’un plan global à long terme de développement et d’implantation du tir à l’arc sur l’agglomération de Nîmes que nous suivons depuis 1986,” explique le directeur sportif du club, Olivier Grillat.

“Notre club réunit des passionnés et il est important pour nous de participer à la promotion de notre sport au niveau national et international en prenant notre part des efforts de notre fédération nationale et de World Archery.”

Le club s’était fixé trois buts clairs à atteindre pour le tournoi.

Le premier était d’avoir des résultats sportifs de niveau mondial et la médiatisation allant de pair. Aujourd’hui, grâce à de solides relations avec les journalistes sportifs, les journaux locaux publient environ 35 articles par an sur le club, en plus de la couverture lors des événements internationaux.

Le deuxième objectif était d’accroître la participation. Nîmes a investi dans l’équipement, la formation et les infrastructures, et a lancé un programme d’implantation du tir à l’arc dans les centres de loisirs et les écoles, afin de susciter l’intérêt au sein de l’agglomération. Aujourd’hui, le tir à l’arc est pratiqué dans 13 écoles primaires et dans les principaux centres de loisirs pour enfants de la ville.

Enfin, le tournoi devait avoir des retombées économiques importantes pour l’agglomération. Il est devenu le deuxième événement le plus important du calendrier pour l’hôtellerie et la restauration locales.

Des bases solides

La force du tournoi de Nîmes réside dans la cohésion de son staff, que ce soit les bénévoles ou les professionnels.

“Je suis satisfait dès lors que chaque membre de l’organisation est fier du résultat de son investissement et d’avoir vécu une expérience humaine exceptionnelle,” dit Olivier.

Les bases sur lesquelles repose l’événement sont une équipe expérimentée, une image positive et des partenaires fidèles. Mais sans les clients - les archers - qui tirent, aucune croissance n’aurait été possible.

Le tournoi s’efforce de répondre aux besoins de chaque acteur: athlètes, spectateurs, partenaires publics et privés, clubs, fédération nationale et internationale, et aux objectifs du comité d’organisation.

Les archers compétiteurs viennent à Nîmes pour vivre un grand tournoi de haut niveau, spectaculaire, avec du public et de l’ambiance.

Les archers de niveau intermédiaire considèrent Nîmes comme une occasion unique de participer à une grande fête autour leur passion, de concourir aux côtés de leurs idoles, avec la possibilité de gagner des prix intéressants, de rencontrer les leaders mondiaux de l’industrie du sport et d’assister au spectacle des finales.

Le grand public, autre que le public du tir à l’arc, s’y rend pendant les finales pour assister à un show de haut niveau d’une discipline olympique.

Les partenaires publics considèrent Nîmes comme un événement sportif international de haut niveau qui apporte d’importantes retombées économiques et une bonne médiatisation à la ville, à la région, au pays.

Les partenaires privés au sein du tir à l’arc ont une opportunité de faire la promotion de leur marque et de rencontrer de nombreux professionnels, tandis que les partenaires locaux hors tir à l’arc peuvent communiquer avec un public international pour un prix très raisonnable.

Les photos et vidéos permettent à World Archery et à la fédération nationale de promouvoir le sport de manière proactive.

Et, pour le comité organisateur, le tournoi est l’occasion pour des volontaires passionnés de rencontrer leurs champions, de travailler à l’amélioration du sport et de vivre une expérience unique. Pour les bénévoles du tir à l’arc ou hors archerie c’est la fierté de contribuer à cet événement international.

Nîmes, en tant que club de tir à l’arc, utilise la compétition pour trouver de nouveaux partenaires et développer les partenariats publics et privés. C’est un outil de promotion et développement.

Tous ces aspects doivent s’équilibrer pour assurer le succès du tournoi.

Ressources humaines

Le tournoi a débuté avec un petit groupe de passionnés, tous très différents les uns des autres, qui partageaient la même passion pour le projet.

Année après année, les volontaires en ont recruté d’autres, d’âges et d’origines toujours très divers, qui partagent ces mêmes valeurs mais apportent de nouvelles compétences.

Nîmes compte désormais des bénévoles âgés entre 12 et 80 ans.

Le club compte 200 membres qui reçoivent le meilleur encadrement possible. Prendre soin de ses adhérents contribue également à garantir leur engagement pour l’organisation de l’événement.

L’organisation du tournoi de tir à l’arc de Nîmes est très structurée.

Chaque département a un responsable et une direction. Il y a même un directeur des ressources humaines pour s’occuper des bénévoles.

“L’ensemble des responsables prend soin de chaque volontaire, et le travail de chaque volontaire est reconnu,” explique Olivier.

Du nettoyage au montage ou démontage des équipements, en passant par l’accueil, la sécurité, le protocole, la gestion des résultats, la gestion de la concession, la logistique, les activités, la gestion des bénévoles et bien d’autres choses encore, chaque tâche est considérée comme essentielle. Il n’y a pas de volontaires VIP ou de tâches nobles, chaque position est nécessaire à la réalisation de l’événement.

L’organisation de Nîmes travaille en équipe, comme une famille, et chaque poste dans la structure a de la valeur.

Pour fidéliser des centaines de volontaires et les faire revenir année après année en janvier, il est essentiel de leur faire vivre une expérience dont ils puissent être fiers.

“Pour ma part, j’essaie de prendre soin de chacun, je reconnais leur importance et j’écoute leurs suggestions d’amélioration car c’est aussi le projet de chacun,” dit Olivier.

Indoor Series

Nîmes et Vegas sont la raison de l’existence du circuit international en salle, appelé aujourd’hui Indoor Archery World Series.

Nîmes entretient avec les organisateurs du Vegas Shoot une relation saine qui a permis aux deux tournois de s’améliorer grâce aux échanges et au partage de bonnes pratiques. Ces événements sont des partenaires dont l’objectif est clair.

Olivier se rend à Vegas chaque année en février. Bruce Cull, président du Vegas Shoot, va à Nîmes chaque année en janvier.

“nouspartageons la même vision de la promotion de l’archerie d’où une complicité et une confiance qui favorise les échanges,” déclare Olivier.

Vegas et Nîmes soutiennent d’autres tournois émergents, tels que les événements en salle de Marrakech, Bangkok et Macao, pour améliorer leur organisation respective.

Grillat est enthousiaste à l’idée de créer des événements forts dans le monde entier, afin d’assurer une répartition géographique équilibrée des tournois des séries mondiales en salle.

Et pour que ces événements puissent se développer ensemble.

Planification et progrès

La préparation de l’édition suivante du tournoi de Nîmes commence déjà alors que la précédente est en cours.

Le club avait perdu 23000 euros lors du premier événement en 1997. Mais l’équipe qui l’avait organisé alors avait tenu à renouveler ses efforts l’année suivante et avait ainsi pu constater le potentiel de poursuivre.

Pour devenir financièrement viable, la compétition devait s’assurer des partenaires privés et publics.

“Le plus important était de prendre soin de nos bénévoles, notre première richesse et ressource était la passion et la volonté de notre équipe. Une équipe d’humains motivée peut relever tous les défis. Il nous fallait agrandir l’équipe et trouver d’autres compétences,” explique Olivier.

Le meilleur endroit pour engager des partenaires potentiels avec la passion de cette équipe - et leur montrer la valeur de l’événement - est le tournoi lui-même.

Un mois après l’événement, un processus d’analyse et d’évaluation débute. Le budget pour l’année suivante commence à prendre forme.

La première chose que fait Olivier est d’écouter les sponsors et partenaires pour mesurer leur satisfaction quant à leur implication.

“Je sais déjà et il est facile de comprendre ce que j’attends de nos partenaires, mais je cherche surtout à leur démontrer que nos actions peuvent très bien répondre à leurs problématiques et correspondre à leur politique d’action publique, interne, commerciale ou de médiatisatio,” dit-il.

“Je sais et ils savent ce qu’ils font ou peuvent faire pour le tir à l’arc. Je dois leur expliquer ce que le tir à l’arc fait et peut faire pour eux.”

Olivier considère les sponsors et les partenaires de Nîmes comme une famille, plutôt que comme une simple transaction commerciale.

Dans le passé, il y a eu des relations qui ont échoué parce qu’elles étaient basées sur des échanges qui n’étaient pas profitables aux deux parties ou parce que les partenaires ne partageaient pas la même philosophie de l’événement.

Grillat dit qu’il n’accepterait jamais un partenariat si important qu’il ferait perdre au club le contrôle de l’événement.

C’est grâce à cette transparence, peut-être, que le tournoi bénéficie d’un soutien important de la part des autorités locales, régionales et nationales.

“J’essaie en permanence de me tenir au courant de leur politique, de leurs actions. Cela permet de plaider plus facilement la cause du tir à l’arc et et cela évite les demandes démesurées ou ridicules qui sont toutes les deux très maladroites,” explique Olivier.

L’héritage

Le tournoi en salle de Nîmes a renforcé la position du club dans la ville et la région, lui valant une reconnaissance accrue d’année en année.

Cela a conduit à un soutien financier plus important et à l’appui des médias et élus locaux.

Les membres du club bénéficient d’installations permanentes et d’un meilleur encadrement pour l’entraînement grâce au soutien de l’État. Le club dispose des moyens nécessaires pour développer le tir à l’arc à tous les niveaux.

Cela ne serait pas possible sans le tournoi.

“C’est ce qui nous pousse à organiser chaque année l’événement le plus réussi et à utiliser toutes les ressources à notre disposition,” dit Olivier.

“Les bénéfices pour le club ne sont pas directs mais indirects et très réels.”

Il est fier de l’engagement des personnes impliquées dans le projet.

"Le tournoi est une grande source de joie, une aventure humaine pleine d’adrénaline que je partage avec les bénévoles, les professionnels (les techniciens et le personnel de la Fédération Française de Tir à l’Arc et de World Archery), mais aussi avec nos partenaire,” déclare Olivier. 

“Nous formons une équipe et presque une famille qui relève un défi assez fou chaque année."

Championnats

Deux fois en 22 ans d’histoire, Nîmes n’a pas accueilli son événement traditionnel, mais a mis à profit les mêmes éléments de base pour organiser des Championnats du Monde de tir à l’arc en salle.

La première fois, c’était en 2003, et les finales s’étaient déroulées dans les célèbres arènes romaines, et la seconde en 2014.

“L’organisation des championnats du monde est un honneur et une grande responsabilité, mais nous nous sentions capables de relever le défi,” explique Olivier.

“Nous voulions renforcer la stature internationale de Nîmes comme organisateur et renforcer la promotion du tournoi.”

Accueillir des championnats du monde a obligé Nîmes à investir dans du matériel et du personnel. Cela a permis d’améliorer les installations du club.

Cela a également permis d’atteindre un autre de niveau de partenariat privé et public et de développer les relations avec les médias et les élus.

Malgré l’expérience, l’organisation d’un championnat - dixit Olivier - nécessite un délai d’environ trois ans. Surtout si l’on veut que l’héritage de ces championnats soit correctement intégré dans le plan stratégique permanent du club.

Les mondiaux de 2003 ont été un succès en termes d’organisation et de spectateurs. Le lieu, dans l’amphithéâtre romain, et le plan de développement du tir à l’arc, s’alignant parfaitement.

Les gens sont venus de toute la France, souvent du nord et des environs de Paris, pour assister à l’événement. Les moyens financiers à disposition étaient importants et Nîmes a pu se permettre d’investir considérablement dans le spectacle.

Les championnats de 2014 ont été organisés dans un contexte économique différent.

Des fonds ont été obtenus, mais ils ont dû être utilisés avec une plus grande attention. Il était plus difficile pour les spectateurs de financer leur voyage et leur séjour à Nîmes

“Malgré mon expérience, j’ai fait des erreurs en matière de billetterie et j’ai surestimé la capacité de mobilisation de notre fédération nationale,” reconnaît Olivier.

Les Championnats du Monde de tir à l’arc en salle ont été retirés du calendrier international après l’édition 2018.

Cette décision a été prise en partie en raison du succès de tournois comme celui de Nîmes, et du reste des  Indoor Archery World Series, en offrant des événements de classe mondiale à un public plus large.

Olivier Grillat

L’administrateur sportif français Olivier Grillat a a pris sa première licence en 1975 et est directeur du tournoi de tir à l’arc de Nîmes depuis 1993.

Il a également organisé deux éditions des Championnats du Monde de tir à l’arc en salle, a été élu au comité technique puis au comité sur cibles de World Archery, et est membre du comité directeur de la Fédération Française de Tir à l’Arc depuis 1994.

À 56 ans, Olivier est toujours entraîneur à Nîmes dans son club de toujours.

“Le plus important c’est ma famille, et les deux passions que j’ai, le tir à l’arc et ma belle ville de Nîmes,“ dit Olivier.

“Le tournoi me permet de vivre une aventure qui sert et réunit mes deux passions, et heureusement ma famille participe activement à cette aventure.”