Les sœurs Musy vont vivre le rêve olympique comme bénévoles aux Jeux de Paris 2024

Frédérique and Corinne Musy volunteering at the Paris 2023 Hyundai Archery World Cup.

Les yeux bleus, vifs, le nez aquilin, un sourire franc toujours fiché sur leur visage: la ressemblance est frappante. 

Corinne et Frédérique Musy sont soeurs. Du 25 juillet au 4 août prochain, elles seront bénévoles aux Invalides pour les épreuves de tir à l’arc des Jeux de Paris 2024.

Une belle récompense pour ces deux visages bien connus du monde du tir à l’arc français, dont toute la vie fut marquée par ce sport.

Corinne fut archère en équipe de France. 

Frédérique a d’abord pratiqué le tir à l’arc au niveau national avant d’encadrer les équipes de France dans toutes les disciplines pendant plus de 25 ans.

“Quand notre père est revenu des Jeux en 1964, j’avais 6 ans,” raconte Frédérique.

“Ça nous a marquées, pour toute la vie.”

Leur père, Maurice Musy, fut en effet médaillé d’argent paralympique par équipe à Tokyo en 1964.

Avec le retour des Jeux Olympiques en France pour la première fois depuis un siècle, les attachantes sœurs Musy s’apprêtent à enrichir leur héritage sportif – un périple qui a commencé dès leur plus jeune âge à Dole, dans le Jura français.

Corinne Musy with a picture of her father Maurice Musy, Paralympic Champion in 1968.

Le tir à l’arc leur est apparu aux heures les plus dramatiques de leur enfance, alors qu’elles n’avaient que 3 et 2 ans.

Maurice Musy est alors victime d’un accident de voiture qui le laisse paraplégique.

Lors de sa rééducation à Fontainebleau, on lui a appris à tirer à l’arc car c’était un sport qui permettait aux personnes handicapées de retrouver la sensation de leur corps dans l’espace,” explique Corinne.

Comme c’était originairement un judoka, il avait des capacités physiques et il a récupéré tout ce qu’il pouvait,” se remémore Frédérique.

Le tir à l’arc convint parfaitement à Maurice. Sélectionné pour les Jeux Paralympiques de Tokyo en 1964, trois ans après son accident, il remporta une médaille d’argent par équipe cet été-là, au Japon.

Il participa à une deuxième édition des Jeux quatre ans plus tard à Tel Aviv et pratiqua le tir à l’arc jusqu’à ses derniers jours.

L’histoire des sœurs Musy est avant tout une histoire d’héritage et de transmission.

Ça fait partie de nos gènes, pour ainsi dire,” confie Frédérique. On a toujours connu ça: le dimanche, on va à l’entraînement, on va au tir à l’arc.”

Corinne se souvient des petits arcs que leurs parents leur avaient acheté, un peu trop durs pour les deux petites filles qu’elles étaient. Un vert pour elle, un jaune pour sa sœur.

Corinne Musy at an international competition in the Netherlands.

Entraînées à l’adolescence par leur père, elles participent aux championnats de France des jeunes. C’est après cela qu’elles ont emprunté des chemins différents, mais toujours orientés vers le tir.

Tandis que Frédérique passait ses brevets d’État, attirée par la pédagogie du rôle de formatrice, Corinne intégrait l’équipe de France et a été internationale de 1982 à 1991, avec des résultats honnêtes, dit-elle.

Elle s’entraînait à l’INSEP, l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance à Paris, et a participé à des compétitions internationales.

À une époque où n’existait pas la Coupe du monde, il y avait tout de même des circuits internationaux, comme le Coq France our le Casque d’Or, avec principalement des délégations européennes.

Qualifiée grâce à ses performances pour les Jeux de Los Angeles en 1984, Corinne Musy voit malheureusement son rêve olympique mourir dans l’œuf.

La faute à une histoire… de sous.

Il n’y avait pas le budget au ministère des sports pour envoyer aux Jeux des athlètes qui n’étaient pas forcément ‘médaillables’,” explique-t-elle. “Personne n’avait vraiment le niveau pour être sur le podium, sauf par équipe. Donc trois garçons, qui avaient fait les minima, y sont allés, eux.

En tant qu’athlète, ça vous marque à vie.

Lorsqu’elle arrête l’équipe de France en 1991, Corinne stoppe complètement sa pratique du tir. À part pour le plaisir, parfois, avec sa sœur. Car seul le goût de la compétition de haut niveau ravissait ses papilles.

J’ai préféré couper la pratique, plutôt que de continuer ‘en touriste’,” glisse-t-elle. “Et suivre le haut niveau de l’autre côté de l’appareil.”

Corinne and Frédérique Musy in front of the Esplanade des Invalides.

Parallèlement, Frédérique devient de son côté Coordinatrice Technique Régionale. Elle trouve son bonheur dans la transmission.

Également entraîneuse en junior, puis adjointe de l’entraîneur national Benoît Dupin (qui deviendrait ensuite Directeur Technique National), elle vit le rêve olympique au travers des prouesses de ses anciens élèves.

Médaillé d’argent en individuel aux Jeux Olympiques de Rio 2016 et triple olympien, Jean-Charles Valladont était dans son équipe régionale en Franche-Comté et a fait sa première année de Pôle France à Dijon, la même année où elle y arrivait.

Il m’est arrivé entre les mains, et c’était vachement intéressant de former un type comme ça, parce qu’il y avait déjà les prémices de ce qu’il allait devenir,” se remémore Frédérique. Sa manière d’être, qui lui permettait de se protéger un peu et de durer aussi longtemps.

Alors, lorsque Valladont remporta sa médaille d’argent au Brésil, l’ambiance fut forcément à la fête dans la famille Musy.

On a ouvert une bouteille,” confie Corinne, l’œil pétillant.

J’étais fière, d’avoir participé ne serait-ce qu’un peu, d’une manière ou d’une autre,” ajoute Frédérique.

Moi je l’ai raconté à tout le monde,” répond Corinne d’un ton rieur. “Même aux gens qui n’étaient pas du tout dans le tir à l’arc!”

Et Jean-Charles parlait du fait qu’il avait flashé sur papa,” lui rappelle sa sœur. “Il s’en souvient de notre père, il l’admirait. Il me le disait, quand il était gamin.”

C’est super, et ça donne envie de continuer, de pousser des jeunes à faire du tir à l’arc.

Frédérique Musy receiving the insignia of Knight in the National Order of Merit from JC Valladont.

Désormais retraitée, et après avoir reçu l’insigne de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite des mains de JC Valladont lui-même, Frédérique embrasse désormais pleinement son activité de bénévole.

Pour maintenir intact le lien qui l’unit à sa sœur, et toutes les deux, au tir à l’arc.

C’était émouvant pour moi de voir sa retraite,” raconte Corinne. On a partagé ça pendant très longtemps, moi en tant qu’athlète, avec notre père…”

Ça fait partie de notre vie depuis toujours, et c’est quelque chose qu’on aura toujours.

Bien qu’elles aient chacune un compagnon, elles ont toutes deux pris dix jours pour être bénévoles à l’épreuve test olympique de Paris l’été dernier.

Postées, pour les finales, près des escaliers menant à la tribune officielle du magnifique pas de tir monté pour l’étape parisienne de la Coupe du Monde Hyundai de tir à l’arc, elles ont été au four et au moulin.

On avait passé une super semaine,” affirme Frédérique. “On nous a envoyées vers les aéroports, pour les arrivées des délégations.

“Ce n’était pas toujours très drôle, on a eu le train bloqué au début et à la finmais on s’en est bien sorti et on a bien rigolé au final.”

“On a aussi créé des liens avec les bénévoles,” ajoute Corinne. “Des gens qu’on ne connaissait pas, jusqu’aux chauffeurs, tous ceux qui viennent donner un coup de main.”

On se sert tous les coudes, on aime cet esprit. 

Elles le savent, être bénévoles aux Jeux Olympiques sera pour elles un vrai cocktail de sensations et d’émotion.

Maurice Musy in official French Paralympic team uniform at the 1964 Games.

Alors, à l’heure de se projeter sur ces Jeux dans la capitale française, les deux sœurs Musy ne peuvent s’empêcher d’en relever la symbolique, presque poétique, cette façon pour elles de boucler la boucle.

Cela signifiera participer aux Jeux Olympiques,” explique Corinne. “Ce que je n’ai pas pu faire en tant qu’athlète. Donc vivre vraiment l’aventure olympique de l’intérieur.”

Et en rajoutant les Jeux Paralympiques,” complète Frédérique. Pour boucler la boucle: 1964-2024. Ça fait quelque chose, tout de même!”

Certaines images avec l’aimable autorisation de Corinne/Frédérique Musy et de la Fédération Française de Tir à l’Arc.

Biographies