Sergio PAGNI: “C’est comme si on avait déplacé le tir en salle en tir en extérieur”


  Photos: Dean ALBERGA et Jean-Denis GITTON La saison dernière, tu étais classé parmi les 3 meilleurs archers du monde. Maintenant, il semble que les choses se compliquent pour toi : quelle en est la raison ? En fait, le format de tir à 50 mètres est plus difficile et je ne peux pas vraiment dire que je suis en train de faire une bonne saison. J’ai atteint les quarts de finale dans presque toutes les étapes de Coupe du Monde et aux Championnats du Monde de Turin également, donc une place de 5e ou 6e n’est pas si mal en soi. J’ai remporté la médaille de bronze individuelle à Ogden le mois dernier et je voudrais évidemment gagner ici à Shanghai. Je voudrais augmenter mon « nombre d’or », mon classement en d’autres termes. Je ne suis pas non plus dans une mauvaise passe.   On dirait qu’une sorte de nouvelle pression s’est installée sur tes épaules depuis l’arrivée du nouveau format de tir à 50 mètres, comme si tu devais renouveler tes capacités de tir. Est-ce le cas? Les scores sont très élevés à cette distance, même durant les phases finales. Disons que nous n’avons pas de grosse marge pour nous reprendre après une erreur. Les archers qui font partie du top 10 ou 20 sont assez proches les uns des autres. Je voudrais comparer cette nouvelle règle au tir à l’arc en salle: on ne tire plus à 70 mètres; on se rapproche de la cible et cela veut également dire que le niveau de performance augmente. Tu ne dois pas perdre le moindre point. Je ne suis pas surpris quand quelqu’un tire un score parfait ou quasiment parfait à chaque volée. Tu peux voir ce qu’il s’est passé à Turin cet été quand Reo WILDE (USA) a battu le record du monde avec 714 points sur 720 possibles. Il s’est passé la même chose lors de mon quart de finale contre Gabriel BADENHORST (RSA) car il a tiré 149 points sur 150 possibles. C’est étrange, mais c’est comme si on avait déplacé les conditions de tir en salle au tir en extérieur. Je peux tirer des bons scores aux qualifications mais je peux perdre un ou deux points durant un match. La plupart du temps, c’est trop. Tu peux voir que le niveau de performance est élevé mais ce n’est un problème pour personne ici. On doit bien tirer tout le temps de la compétition.   Que penses-tu de l’archer de 19 ans Christopher PERKINS, le nouveau champion du monde de tir en extérieur? Il a super bien tiré, il est incroyable. Il a fait un très bon championnat à Turin. Je pense qu’il faut faire une différence entre remporter une Coupe du Monde et remporter un championnat du monde: en fait le problème n’est pas tant de gagner que de répéter la victoire. De même, gagner un championnat du monde n’est jamais une affaire de hasard ou de chance. Tu dois être dans un bon jour, tu dois bien tirer ce jour-là et tu dois te souvenir en permanence de tes devoirs. C’est ce que tu fais, c’est ce dont tu as besoin mais tu n’es pas tout seul! La plupart des archers ont les meilleures cartes entre les mains et c’est comme jouer au poker: même si tu n’as pas les bonnes cartes entre tes mains, tu dois quand même les jouer.   N’as-tu pas quelques regrets suite à ton classement final à Turin (6e), même si tu as remporté la médaille d’or en équipe mixte avec ton équipière Marcella TONIOLI? J’ai été battu par un très bon archer en quart de finale, Christopher PERKINS. Il a tiré un magnifique 149 points et je dois dire que c’est une bonne performance à ce moment de la compétition! J’aurais tellement voulu atteindre la finale dans mon pays, donc cette défaite est regrettable. Ensuite, mon équipière Marcella et moi avons remporté l’or dans le double mixte. C’était ma première médaille en championnats du monde et je reste donc très satisfait de mon expérience à Turin.   Comment se déroule ta vie quotidienne? Toi qui travailles dans une archerie en Italie, comment vis-tu le fait de consacrer 100% de ton temps au tir à l’arc? (Rires.) J’adore mon boulot! Je travaille non loin de chez moi (à Montecatini Terme à côté de Florence). Avec mon patron Paulo, nous nous occupons de régler le matériel de l’équipe italienne d’arc à poulies. Quand les archers partent en compétition en Italie ou n’importe où dans le monde, ils viennent nous voir pour régler leurs arcs, fabriquer leurs cordes, câbles et autres. Nous travaillons avec des archers de haut niveau en Italie et j’aime vraiment faire ca. J’aime discuter des points techniques, à propos du réglage aussi… Nous essayons dorénavant de nous rapprocher de l’équipe nationale arc classique mais ils ne sont pas branchés par les réglages et ce genre de choses. On verra bien si, un jour, les choses peuvent changer!   Ton travail te permet-il de t’entraîner tous les jours? Absolument. Nous avons un pas de tir dans notre magasin. Je peux tirer tous les jours si nécessaire. Cependant, je ne suis pas habitué à tirer tous les jours parce que ma routine d’entraînement consiste à travailler 99% de mon temps sur mon mental. Pour moi, le tir à l’arc consiste plutôt à travailler sur mon esprit que sur autre chose. Je fais juste en sorte d’avoir le meilleur réglage d’arc possible, de vérifier comment les choses se passent quand j’ai mon arc entre les mains pour ainsi dire. Je tire pas mal de flèches mais ce n’est pas le plus important. Je divise ma saison en quatre groupes de travail et ma grande priorité est de travailler mon mental à chaque fois. Je ne tire que trois ou quatre fois par semaine.   Tu vis avec ta petite amie Pia Carmen LIONETTI (ITA) qui fait aussi partie de l’équipe italienne de tir à l’arc: avez-vous mis en place une sorte de règle de vie à la maison consistant à ne pas parler de tir à l’arc une fois que vous vous retrouvez ensemble? (Rires.) Je vais donner une réponse toute personnelle. Je dirais qu’il est normal pour deux archers, surtout pour un mari et une femme, de parler du travail une fois que nous sommes à la maison. Notre boulot c’est le tir à l’arc mais nous voulons qu’il soit le plus relaxant possible. Il y a deux points de vue: quand tu veux te reposer, tu n’as pas vraiment envie de parler, de discuter de tes soucis en compétition, de tes arcs ou autre… Je demande habituellement à Pia de ne pas parler de tir à l’arc; comme n’importe quel couple, nous voulons avoir une vie tranquille. Quand tu es à la maison, tu ne veux pas toujours parler de ton travail, n’est-ce pas? Ensuite disons que si nous avons un problème avec le tir à l’arc, nous essayons de le régler sur le terrain de tir. Et cela marche bien! Cette compétition à Shanghai est importante pour chacun de nous dans la mesure où nous aimerions nous qualifier tous les deux pour la finale à Istanbul. Comme tu peux l’imaginer, nous ressentons beaucoup de pression en ce moment, donc nous faisons en sorte d’aller de l’avant, et cela inclut également notre vie de couple. Cette période est la conclusion de la saison, nous avons réalisé beaucoup d’efforts dans les compétitions passées et c’est pourquoi nous devons avoir le même état d’esprit jusqu’à la fin.   Jean-Denis GITTON World Archery Communication