24 février 2010 - Philippe HORNER, un archer atypique au talent extraordinaire

Philippe HORNER (SUI), un archer atypique au talent extraordinaire Lausanne - 24 février 2010  Philippe HORNER, archer franco-suisse, est sur une lancée exceptionnelle: après sa médaille aux Jeux Paralympiques de Beijing, il a remporté en 2009 le Championnat de France FITA et Fédéral en arc à poulies dans la catégorie Vétérans, contre des archers valides, tout en tirant en fauteuil roulant. Avec des scores plus qu’élevés. La Fédération Française de Tir à l’Arc a rencontré cet archer hors norme.   Vous avez tout remporté au niveau national en 2009? En 2009, en tant que vétéran, j’ai gagné le Championnat de France FITA et le Fédéral, et j’ai fait le meilleur score des seniors, avec 707 points, pour cette dernière épreuve. J’ai aussi réalisé une 19e place au Championnat de France Scratch à Val d’Isère. A cause du terrain, les conditions se sont révélées particulièrement difficiles pour moi qui suis en fauteuil. Enfin, je constate que je peux encore taquiner les seniors, c’est intéressant!   Où vous entraînez-vous, et dans quel club? J’habite à 500 mètres de la frontière suisse. Depuis 2006, je m’entraîne seul en Suisse sur un terrain adapté pour les archers en fauteuil avec des allées goudronnées, ce qui me permet d’aller chercher mes flèches, et il y a également une salle où je peux aussi pratiquer. Celle-ci possède un ascenseur, ce qui me permet de me rendre aux entraînements sans être obligé d’être accompagné. Voilà pourquoi je m’entraîne en Suisse.   Comment cela se passe-t-il dans votre club? Je fais partie du Club des Archers du Roc Noir, à côté de Saint-Alban. J'y ai reçu un accueil très chaleureux, les archers sont aux petits soins avec moi. Nous sommes arrivés à monter en Division Régionale Excellence, ce qu’ils cherchaient à faire depuis deux ans. J’ai pu leur apporter du métier, de la bouteille, et ils sont contents, je crois, de voir un archer en fauteuil faire des résultats. C’est ce mélange, cet état d’esprit avec les jeunes qui fait que cela se passe bien.   Evoquons maintenant votre médaille de bronze aux derniers Jeux Paralympiques de Pékin. Pourquoi faire partie de l’équipe de Suisse? Auriez-vous pu intégrer l’équipe de France? En effet, j’ai la double nationalité. En fait, les Suisses m’ont sollicité un mois et demi avant la France. N’ayant pas à cette époque de demande de celle-ci, ils m’ont proposé de faire les Championnats d’Europe. J’ai accepté. Il y a eu des quiproquos, des polémiques par la suite, qui n’ont pas toujours été faciles à vivre… Si je m’étais entraîné en France, j’aurais sans doute représenté celle-ci. Heureusement, beaucoup d’archers ont bien compris la situation. J’adore m’entraîner avec des amis français, valides ou non! Il faut dire que le contexte frontalier est particulier: nous nous trouvons dans ce que l’on appelle le bassin genevois, et il n’y a pas de frontière pour nous. Nous sommes bien tous ensemble, tout simplement. Les Suisses viennent tirer en France, les Français en Suisse. Nous vivons les uns avec les autres!   Comment aviez-vous abordé les Jeux? Pour moi, ça s’est très bien passé parce que je m’étais bien préparé. J’étais déjà allé en Chine, à Shanghai. Je connaissais bien ce pays et la mentalité de ses habitants. J’ai donc su bien me préparer pour Pékin. A partir de juin, j’ai donc décalé mes horaires d’entraînement en favorisant les heures les plus chaudes. J’allais aussi m’entraîner après un orage, après de grosses pluies, pour m’habituer à cette lourdeur, cette humidité… Je me suis donc adapté à un climat proche de celui de Pékin. J’ai essayé de tirer dans des conditions extrêmes.   Vous êtes donc arrivé à Pékin en forme. Et les Jeux en eux-mêmes, comment les avez-vous vécus? Aux Jeux Paralympiques de Pékin, je suis tombé au premier tour sur le Français Maurice CHAMPEY, que je connais bien. Ce n’était pas évident de tomber sur un collègue, mais une fois arrivé dans l’arène, il faut tirer et puis voilà tout.   L’Anglais John STUBBS vous a empêché d’arriver tout en haut du podium… L’Anglais a fait le meilleur score: 691 points! Il n’y avait pas à discuter! Cet archer m’a impressionné par sa manière d’être et sa façon de tirer. Il faut dire qu’il possède une très bonne préparation avec deux entraîneurs coréens. Ils sont actuellement les meilleurs chez les dames et chez les hommes en arc à poulies. Moi, j’étais un peu celui qui allait bouleverser la hiérarchie; j’ai tiré mon épingle du jeu au moment opportun. Je savais que si je voulais remporter ma petite finale, je devais démarrer par un 10 contre l’Américain TJ PEMBERTON, ce que j’ai fait. Je me suis donc senti en confiance. Par contre, c’était tellement prenant que je ne me souviens plus de la suite de ce match. J’étais vraiment dans mon duel et j’ai donné beaucoup d’énergie. Et puis, c’était la première fois que les handisports pouvaient s’affronter en arc à poulies. Nous étions vingt au départ et tous voulaient des médailles, tous étaient susceptible de l’emporter!   Le niveau était donc élevé! Les scores étaient de 115 et 116 dans les finales, les petites finales. Ce sont des scores assez hauts compte tenu de nos handicaps!   Vous avez aussi participé à un match de gala organisé par la FITA lors de la Finale de la Coupe du Monde 2008 à Lausanne. Comment avez-vous vécu ce moment? C’était un peu dur. En effet, nous venions juste de rentrer des Jeux, et une semaine après j’ai été invité à participer à cette démonstration. Je devais tirer trois flèches en duel contre la "numéro un", la Chinoise championne olympique ZHANG Juan Juan. J’étais très fatigué, j'avais décompressé et j’avais du mal à être de nouveau dans le jeu. C’était très prenant, de nouveau retomber dans le bain avec tout ce public local qui me connaissait, les archers français ou suisses qui venaient me féliciter… Le tir à l’arc est un sport idéal pour intégrer les non-valides, non? C’est un des seuls sports que l’on peut faire avec des valides sans aucun problème. J’ai tiré par exemple au Championnat de France Fédéral à quatre sur la cible. J’avais demandé d’être près de la table d’arbitrage pour être bien visible et j’ai pu me décaler un petit peu. Un des archers de mon club pouvait aller chercher mes flèches et me les ramener. La plupart du temps, les non-valides sont très bien accueillis, notamment lors des Championnats de France. Ce qui est important, c’est que les handicapés signalent à l’avance qu'ils sont en fauteuil. Informer les clubs sur ce point est essentiel. A l’avenir, je crois que nous verrons de plus en plus d’archers avec des handicaps, et cela rentrera dans les mœurs. Cela se fera avec le temps… Une chose est très importante: à partir de janvier le Comité de Tir à l'Arc Handisport de la FITA s'est réuni et encouragera toutes les Associations Membres à inclure les archers de tir à l'arc handisport dans leurs programmes. La FITA assistera également l'organisation des Championnats d'Europe et du Monde.   Merci, Philippe, de nous avoir consacré un peu de votre temps. Vous vouliez rajouter quelque chose? Oui, je tiens à remercier Sylvain RENARD, le Président des Archers du Roc Noir, pour son soutien sans faille.   Propos recueillis par Didier TESTE pour le magazine de la FFTA www.ffta.fr Photos Dean ALBERGA Edité par Communication FITA