6 mai 2010 - Wietse VAN ALTEN (NED): “Le tir à l’arc dirige ma vie”

Wietse VAN ALTEN (NED): “Le tir à l’arc dirige ma vie”
Porec, 6 mai 2010

Le médaillé de bronze des Jeux de Sydney 2000 Wietse VAN ALTEN (NED) a été nommé “Athlète Modèle” pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse 2010. Aujourd’hui entraîneur de l’équipe nationale hollandaise pour l’arc classique, il travaille également à plein-temps comme entraîneur d’un programme de jeunes talents dans son pays. Nous l’avons rencontré à Porec où il est à la tête de l’équipe hollandaise.

Que fais-tu maintenant et quelle est ton implication dans le tir à l’arc?
Je suis devenu entraîneur au Centre d’entraînement olympique des Pays-Bas à fin 2008. Comme je n’ai pas réussi à me qualifier pour mes troisièmes Jeux Olympiques à Beijing, j’ai dû réfléchir à ce que je voulais faire, continuer à tirer ou devenir entraîneur, ou quelque chose de totalement différent. A cette époque un groupe de jeunes archers a commencé à s’entraîner dans notre centre et avait besoin d’un entraîneur. La question s’est posée de savoir si nous voulions faire venir de l’étranger un coach expérimenté, ou engager quelqu’un de notre pays et développer notre propre programme. Comme j’aime le sport et surtout le tir à l’arc, j’ai postulé, et j’ai été engagé. C’est comme ça que je suis devenu entraîneur directement après ma carrière d’athlète. Il est vrai qu’avant cela j’avais déjà suivi des cours pour entraîneurs aux Pays-Bas. Puis, en 2009, j’ai aussi été nommé responsable de notre programme olympique senior pour l’arc classique. Donc je suis à la fois entraîneur des juniors au Centre d’entraînement olympique et en charge de l’équipe hollandaise senior.

En tant qu’Athlète Modèle pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse, quel exemple et quel message aimerais-tu donner aux jeunes archers?
Je suis très honoré que la FITA m’ait demandé d’être l’Athlète Modèle pour le tir à l’arc. En tant qu’ancien archer olympique et entraîneur, je peux donner l’exemple aux jeunes. J’espère réussir à les inspirer. C’est la première fois que les Jeux de la Jeunesse seront organisés, et je me réjouis vraiment de cet événement. Je pense que ce sera une expérience unique pour les athlètes et les entraîneurs de participer à un tel événement réunissant des gens de tous les pays du monde. Ce sera comme de mini-Jeux Olympiques. Je vais essayer de faire comprendre aux jeunes archers que c’est une occasion de découvrir ce que sont les “vrais” Jeux Olympiques. C’est aussi quelque chose d’important pour leur formation: ils verront comment est la vie dans d’autres pays, comment sont les gens à l’étranger, etc. Je pense que cela aidera les jeunes archers à se développer en tant qu’athlètes et en tant que personnes. J’aimerais aussi qu’ils aient du plaisir à participer à ces Jeux, qu’ils s’amusent – c’est très important pour tous les athlètes. Quand on fait quelque chose comme ça, il faut le faire parce qu’on aime ça. Même si on atteint le niveau d’un Tiger Woods et qu’on gagne beaucoup d’argent, c’est essentiel de continuer à aimer le sport.

Par exemple, il pleut sur le terrain ici à Porec, mais nos jeunes s’en fichent, ils pensent aux gens qui sont restés en Hollande ou qui sont coincés dans les bouchons… Ils ont l’occasion de voyager et ils aiment ça. Il n’y a que les popstars qui sont peut-être un peu plus gâtées! Pouvoir voyager sur les compétitions, c’est la belle vie!

Que penses-tu du niveau actuel des archers juniors?
Le niveau est beaucoup plus élevé que quand j’étais junior, parce que de nombreux pays comme les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, l’Australie, etc. ont lancé de très bons programmes pour former des équipes juniors et leur donner de bonnes bases. Par conséquent les archers sont toujours plus nombreux à atteindre l’élite.

Quel junior étais-tu il y a une vingtaine d’années?
Au cours de ma carrière, j’ai passé énormément d’heures à tirer. Je vivais pour le tir à l’arc. J’ai quitté la maison de mes parents à 16 ans pour aller m’entraîner dans une autre ville. C’est un peu similaire à ce que vivent de nombreux juniors aujourd’hui. Mais je suis jaloux du programme que nous avons mis sur pied, si seulement j’avais pu en bénéficier à l’époque!

Comment as-tu découvert le tir à l’arc?
J’ai découvert le tir à 8 ans; mon meilleur ami de l’école primaire en faisait et il m’a proposé d’essayer. Je me rappelle que j’étais si petit et l’arc si grand! La toute première fois, on m’a très bien expliqué comment tirer, et mes flèches ont atteint le centre de la cible: des 10! Je suis devenu accro, et j’ai été très bon les 2 premiers mois. Puis pendant un an et demi plus du tout. Mes flèches n’arrivaient pas dans la cible, mais devant! Je finissais dernier à tous les tournois. Il y a même des gens qui ont dit à mon père qu’il fallait me trouver un autre sport! Mais le tir à l’arc était vraiment mon sport, et je n’ai jamais songé à arrêter. J’ai fini par m’améliorer et le plaisir était d’autant plus grand! Je pense que l’essentiel est de recevoir une très bonne explication sur la technique de tir la toute première fois. Pour aimer le tir à l’arc, il faut que la première flèche arrive au centre de la cible.

Dès ton plus jeune âge tu as tout donné pour le tir à l’arc.
A 11 ans j’ai été interviewé par la radio. Je commençais à avoir du succès et j’ai participé à ma première compétition internationale junior à Lilleshall (GBR). On m’a interrogé sur mes ambitions, et j’ai répondu participer aux Championnats d’Europe, du Monde, ou peut-être même aux Jeux Olympiques.

Quand j’étais jeune, j’admirais beaucoup les archers hollandais, je m’inspirais de leur façon de tirer. Je voulais m’améliorer encore et encore. Quand vous commencez quelque chose très jeune, ça fait partie de vous, ça devient votre mode de vie. Par exemple, je ne sortais presque pas le soir, j’allais me coucher tôt pour être en forme à l’entraînement le lendemain, je surveillais mon alimentation, je m’entraînais beaucoup. Tout ce que je faisais, c’était pour mon sport. C’était et c’est toujours un plaisir, même s’il faut faire des sacrifices. Peut-être que j’étais un peu frustré pendant les vacances scolaires quand mes amis allaient faire la fête sans moi, parce que je tirais le lendemain. Mais après je me suis retrouvé sur le podium à Sydney, et James EASTON (alors président de la FITA) m’a remis la médaille de bronze… On ne peut pas rêver mieux!

Est-ce que tu t’attendais à gagner cette médaille à Sydney?
Tout le monde rêve d’une médaille! J’avais de bonnes raisons d’espérer. Quand je suis arrivé aux Jeux Olympiques, j’avais été dans l’équipe nationale depuis mes 16 ans. Dès cet âge-là je pouvais tirer 1300 points à 90 mètres, et j’avais acquis une bonne expérience internationale. En l’an 2000 j’ai battu le record européen de l’Epreuve FITA avec 1358 points, et j’étais dans le top 10 du Classement Mondial. La Coupe du Monde n’existait pas à l’époque, mais il y avait les Grand Prix qui étaient un peu l’équivalent d’une étape de Coupe du Monde. J’avais fini 2e d’un Grand Prix en Allemagne et j’étais devenu champion d’Europe par équipe avec les Pays-Bas. Notre équipe était bien préparée: nous avons pris part à de nombreuses compétitions ainsi qu’ à un camp d’entraînement à Madrid. Nous avions été trois fois en Australie, entre autres pour l’Epreuve Test des Jeux. Je n’allais pas à Sydney juste pour participer, je voulais vraiment une médaille.

Que retiens-tu de ton expérience olympique?
Dès qu’on arrive aux Jeux Olympiques, tout est très spécial. Dès qu’on descend de l’avion, il y a des gens qui nous aident pour chaque chose. Nous, les archers, on n’a pas l’habitude de ça. Et quand on se retrouve au Village Olympique, c’est un sentiment incroyable. On vit avec des dizaines de milliers d’athlètes qui ont les mêmes objectifs et les mêmes rêves, d’où qu’ils viennent. C’est l’occasion de rencontrer des champions d’autres sports qui peuvent nous inspirer. A Sydney et à Athènes, j’ai rencontré de nombreux athlètes hollandais issus d’autres sports que je n’aurais jamais rencontrés autrement, parce qu’on est toujours entre archers. C’est vraiment une expérience unique.

Que peux-tu dire de la compétition olympique?
Lors de mon premier match, comme la plupart des athlètes, j’étais très nerveux. Le stade est si grand, il y a des tribunes, contrairement aux terrains de tir habituels. La tension était immense. Je pense que les athlètes, qu’ils soient archers, nageurs ou autres, doivent essayer de considérer les Jeux Olympiques comme une compétition normale – on tire avec le même arc et les mêmes flèches vers la même cible. Cette approche m’a permis de relativiser, alors que beaucoup sont paralysés par l’ampleur de l’événement parce que ce sont les Jeux Olympiques.

A Sydney tu as gagné tes matches jusqu’à la demi-finale, où tu n’as pas réussi à te qualifier. Puis tu as obtenu le meilleur score des JO lors de la finale pour le bronze. Comment expliques-tu une telle performance juste après ta défaite?
Honnêtement, je ne me rappelle pas vraiment mes matches de Sydney. J’ai battu Stanislav ZABRODSKI (KAZ) et Sébastien FLUTE (FRA). J’étais très à l’aise en demi-finale, mais je ne me souviens pas vraiment du match en soi. Je crois que j’ai perdu de 2 points face à Simon FAIRWEATHER (AUS), le futur champion olympique. Puis je suis sorti du terrain et j’ai dû me préparer pour la finale pour la médaille de bronze qui suivait immédiatement, alors que mon adversaire Magnus PETERSSON (SWE) avait eu 45 minutes pour se reposer et tirer quelques flèches. Quand j’ai perdu en demi-finale, j’ai à peine eu le temps de me dire que c’était très dommage; mais je n’ai pas eu le temps d’analyser pourquoi et d’en parler. J’ai été obligé de rester concentré sur mon tir et ça m’a vraiment aidé à gagner la médaille de bronze.

Quels sont tes meilleurs souvenirs des Jeux Olympiques sur et en dehors du terrain?
Les Jeux de Sydney seront toujours les meilleurs pour moi, puisque j’ai gagné une médaille. A part ça, j’ai adoré le fait de rencontrer énormément de gens et de faire partie de la famille olympique, et toutes les célébrations au retour, ma rencontre avec la reine... C’était incroyable de vivre tout ça – rien que d’en parler j’attrape des frissons!

Avec cette troisième place, tu as obtenu ton meilleur résultat au niveau mondial lors de la plus belle des compétitions. As-tu une explication?
Pas vraiment. Si on regarde mes résultats en compétition et mes scores de l’an 2000, on peut dire que c’était une très bonne année pour moi. Toute l’année on ne pensait qu’à une chose, les Jeux Olympiques. Mais de nouveau, aux Jeux il y a plein d’archers qui rêvent d’une médaille. J’ai gagné le bronze et c’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma carrière sportive, mais ce jour-là j’ai laissé derrière moi d’excellents archers qui ont mieux réussi à un autre moment. Ça a simplement été ma semaine!

Qu’est-ce que cette médaille a changé dans ta vie?
Pas change grand-chose, si ce n’est que je suis beaucoup plus connu dans mon pays et qu’elle fait bien sur mon CV! En ce qui concerne le tir à l’arc hollandais, quand une fédération a un médaillé olympique, ça montre que son programme d’entraînement est bon. Cette médaille a été très bonne pour notre fédération, surtout pour le développement des jeunes archers.

Quels sont tes objectifs en tant qu’entraîneur?
J’aimerais poursuivre mon travail et les programmes qu’on développe aux Pays-Bas. J’espère obtenir de bons résultats aux Jeux Olympiques en tant qu’entraîneur et élever encore le niveau du tir à l’arc dans mon pays. On y travaille dur et je suis très optimiste pour l’avenir.

A ton avis, comment pourrait-on mieux faire connaître le tir à l’arc mondialement?
Je pense que c’est très difficile. A mon avis, l’adoption du système de sets est une bonne chose parce que le tir sera plus facile à suivre. Mais le tir à l’arc a été, est et sera toujours un sport difficile à développer auprès du grand public et des médias.

Qu’aimes-tu faire en dehors de ta passion pour le tir à l’arc?
Le tir à l’arc dirige ma vie! A côté de ça j’aime pêcher et faire du cyclisme sur route. Depuis que je suis entraîneur, je n’ai pas beaucoup de temps libre, alors je profite dès que je peux, de passer du temps avec ma copine. On vient d’acheter une maison et c’est un plaisir de rester chez soi et de faire des choses toutes simples comme regarder la télévision, vu que je suis si souvent en voyage! Mais mon travail c’est d’aider de jeunes archers qui s’améliorent de jour en jour. J’adore ça et je ne vois pas ça comme un travail!

Merci beaucoup Wietse, et nous te souhaitons le meilleur pour l’avenir!

Vanahé ANTILLE
Communication FITA